de 1960 à 1979


L'amour à 20 ans, de François Truffaut, 1962


 
extrait, time code 3:46, durée 1:26           

                                     


extrait, time code 2:42, durée 2:23



Le jeune Antoine, amoureux de Colette, lui rend visite chez ses parents. Ces derniers l'invitent à dîner une première fois puis régulièrement.
Les repas sont alors l'occasion pour le cinéaste de réfléchir sur la famille, que ce soit dans ce volet du triptyque ou dans Baiser volés et Domicile conjugal (toujours avec Antoine). 

La famille est ainsi associée à sa dimension la plus classique, à savoir le dîner familial qui figure ici le partage, la chaleur et la générosité. Le cadrage serré montrant tous les personnages dans un même plan atteste de l'intégration sincère d'Antoine au clan familial.
Le cinéaste montre une famille qui n'est pas traditionnelle : la mère est remariée et le beau-père aimant et protecteur, les repas ne sont pas régis par les conventions habituelles.

Le repas familial est donc ici un espace de détente et de bienveillance, oasis au cœur des tribulation du jeune Antoine, et cellule fondatrice de l'ordre social.





Que la bête meure, de Claude Chabrol, 1969


extrait, durée 4:01


Le repas comme la nourriture sont des éléments prépondérant dans le cinéma de Claude Chabrol. Il leur confère le statut de symptômes révélateurs de fonctionnements pernicieux au sein de la famille comme de la société.

Le repas chez Paul ne tient ainsi que par sa nature de convention : les différents convives n'ont aucun sujet de conversation, rien à partager et pourtant tous restent à table. Les dialogues ne sont qu'une succession de clichés sur le climat ou sur les embarras de Paris, entrecoupés de silences gênés, tous autant de démonstrations de l'absurdité et la vacuité de tels codes sociaux. 
Tournée en 1969, cette scène de repas témoigne ainsi d'une forte remise en question des règles sociales et morales traditionnelles, contestation indéniablement dans l'ère du temps.

Cette scène est également le moment que choisit le réalisateur pour faire entrer Paul, le personnage monstre de l'histoire. A peine installé à table, ce dernier se livre à un jeu de massacre, humiliant tour à tour sa femme et son fils. La cellule famille est destructrice et violente, et le repas est le témoin privilégié de cette déréliction.

Un second repas est cette fois le lieu de l'aveu de la duplicité de Charles et le réceptacle de la souffrance d'Hélène. Le cadre englobe les deux personnages, côte à côte - ironiquement séparés par un beau bouquet de fleurs avec une chanson faussement enjouée comme fond sonore. Sont insérés des plans du maître d’hôtel découpant avec soin le canard qui va leur être servi, comme autant d'échos aux mots aiguisés qui dépècent Hélène.
Le repas est une métaphore percutante pour traduire la violence d'une société corsetée où destruction et pulsion de mort se combinent.




Le charme discret de la bourgeoisie, de Luis Buñuel, 1972



extrait, durée 6:18


Subversif et iconoclaste, le film dynamite les conventions et la bienséance de la bourgeoisie à  l'occasion d'un repas sans cesse différé.

La nourriture est effectivement omniprésente dans le film : on en parle, on la prépare, chaque scène est construite dans ce but unique qu’est la dégustation de mets élaborés. Et pourtant cette obsession sans fin, le non assouvissement de ce désir primaire, l'intérieur oppressant et la table mise attisent un tourment passionnel.
La nourriture est luxure, et les symboliques d'un avilissement sexuel sont nombreuses : l'archevêque se fait embaucher comme jardinier tandis que l'ambassadeur dévore comme un chien une tranche de gigot sous la table.

La scène du repas agit donc comme un révélateur de la frustration intrinsèque des personnages. Les individus, oisifs et prétentieux, parlent pour ne rien dire et sont finalement malgré leur notabilité très peu recommandables. Leur incapacité à venir à bout d’un événement tellement anodin qu'est ce repas entre amis apparaît donc comme le symbole de la fatuité, de la vacuité voire de l'aliénation de cette classe bourgeoise.




Vincent, François, Paul et les autres, de Claude Sautet, 1974



extrait, durée 1:03


Au tournant de la cinquantaine, un groupe d'amis perpétue certains rituels d'amitié: se retrouver régulièrement autour d'un repas pour discuter.
Mais le repas en question tourne rapidement au règlement de comptes et les amis de François dénoncent son arrivisme, et son hypocrisie. Ils l'accusent d'avoir renié les idéaux de jeunesse libertaires des années 1950 pour un conformisme bourgeois, assujetti à la hiérarchie sociale. 

Cette scène permet, grâce à des personnages en crise, de donner à voir les tiraillements que subit la société française et plus particulièrement les classes moyennes.
Sous l'apparence d'un simple repas entre amis, de dialogues banals, Claude Sautet montre la complexité d'une époque, celle de la France post-soixante-huitarde, où émergent des valeurs d'individualisme (sous-entendu égoïsme) et d'opportunisme antinomiques avec les valeurs défendues quelques années plus tôt.