de 2000 à 2010


LOL (Laughing Out Loud), de Lisa Azuelos, 2008


Lors du dîner quotidien se retrouvent à table Anne et ses trois enfants, dont Lola, une jeune adolescente pas toujours facile à vivre.
Cette scène montre bien l'importance du repas traditionnel comme ciment familial et pose la question de sa possible disparition.

L'insolence de Lola et la difficulté pour Anne de créer l'harmonie dans ce moment familial interrogent une idée importante pour la société moderne : l'autorité parentale va-t-elle survivre au développement des familles de type monoparental ainsi qu'aux problèmes croissants de communication entre les générations ? Ainsi Lola fait bien plus attention à son interlocuteur (au téléphone) qu'aux membres de sa famille, pourtant à table avec elle. L'éclatement possible de la cellule familiale est un sujet qui inquiète et ce repas chaotique en est un symbole.




La graine et le mulet, d'Abdellatif Kechiche, 2007





Les scènes de repas sont hautes en couleur dans La graine et le mulet. Si des remarques parfois désobligeantes y fusent, l'ambiance est chaleureuse, les dialogues énergiques et vifs, et une force de vie exceptionnelle s'y révèlent. Elles permettent ainsi d'échapper à la tonalité a priori misérabiliste du sujet (Slimane est licencié des chantiers navals parce que trop vieux et pas assez productif) et de porter un regard non didactique sur certaines caractéristiques de la société française, dont la question culturelle de l'immigration.

Ces scènes retracent non pas le cadre d'un conflit de générations mais bien au contraire celui d'un groupe familial où union et cohésion se font la part belle. Mais pour autant, la famille de Slimane est en fait double, et le corps intime qu'elle compose est aussi capable de broyer l'individu.
Le très grand réalisme de ces scènes - caméra portée, style documentaire, mélange d’acteurs professionnels et amateurs - en font un reflet de l'échec des politiques sociales française face à la problématique de l'immigration. Ainsi la spontanéité des échanges contraste avec l'hypocrisie et la mesquinerie de la société dominante, incarnée ici par les différents notables.
Les scènes de repas sont donc ambivalentes, porteuses des tensions sociales aussi bien que lieu de joie, de sensualité et d'esthétisme, chez les femmes comme chez les hommes (selon Abdellatif Kechiche, la façon qu'a Bruno Lochet de retirer une arête de sa bouche est très sensuelle).

La scène du couscous abrite cette ambiguïté. Elle permet certes de réunir pour un temps les deux familles mais aussi les deux communautés sociales (les notables). Elle s’organise en effet autour de nombreux gros plans conduisant à de beaux échanges de regard, à des bouches souriantes et brillantes de couscous.
Mais elle apporte également un sentiment de tension, de menace. L’union sacrée est finalement éphémère, les deux familles ne s’unissent qu’un instant, lors de cet extraordinaire repas. Si la cohésion trouvée n'est qu'une illusion, seule compte dans cette scène l’intensité de cette illusion.